C’est la conclusion rapide d’une étude présentée à la presse par le bureau d'analyse CA Cheuvreux.
Cette société d’analyses financières réputée indique que les évolutions technologiques sont plus une opportunité qu'une menace pour les médias existants qui possèdent des marques et des contenus.
"Les opérateurs historiques, ceux qui ont des marques et des contenus, vont bénéficier des évolutions technologiques plutôt que d'en pâtir", a indiqué Arnaud Frérault, l'analyste média de CA Cheuvreux lors d'une présentation.
Ainsi "le téléchargement d'émissions (podcast), qui était vu comme une grosse menace pour les radios, s'est révélé une formidable opportunité. D'un média de direct-live, la radio est devenue, en plus, un média de différé, de catalogue", note-t-il.
"La télévision mobile ne cannibalise pas l'audience, elle vient se greffer sur l'audience déjà existante, elle rajoute de l'audience. (...) L'ADSL fournit des abonnés supplémentaires à la télévision à péage", ajoute-t-il.
D’après Arnaud Frérault, "les groupes historiques sont relativement protégés pour l'accès aux contenus, même par rapport aux cash flows énormes des groupes de télécommunications".
Il a notamment cité en exemple Deutsche Telekom avec son offre football sur ADSL. L'opérateur allemand avait remporté fin 2005 les droits Internet de la ligue allemande de football - le câblo-opérateur United Media reprenant les droits télévisés à Première - mais, selon lui, n'a réussi en début de saison qu'à séduire un nombre dérisoire d'abonnés (37) à son offre ADSL, faute de savoir-faire en la matière.
Le « Time shifting » ne tuera pas la TV
Le cabinet estime que "la vidéo à la demande ne tuera pas la télévision payante car les abonnés restent surtout motivés par les événements sportifs". "La télévision commerciale restera un événement, l'équivalent de la place du village auparavant, et ne sera pas concurrencée par une télévision sur mesure, à la demande", prédit-il.
La multiplication des chaînes aura, certes, un impact sur la part d'audience d'une chaîne comme TF1 qui ne captera plus que 25% de l'audience d'ici trois à 4 ans et non plus 32% mais TF1 "conservera la moitié du marché de la publicité", car elle seule sera à même de toucher une audience de masse.
Pour la presse écrite généraliste, le constat de l'analyste est clair : "on s'oriente vers un modèle 100% gratuit financé par la publicité". La presse spécialisée devrait conserver le modèle payant.
Mon analyse sur la presse papier
Compte tenu du sérieux de CA Chevreux, il est toujours difficile de contester un tant soit peu ce type d’analyse. Pourtant je ne partage pas son optimisme sur tous les médias existants.
On peut remarquer d’ailleurs que l’analyse sur la presse impose un modèle gratuit. Je ne suis pas sûr que ce soit possible pour tous les supports papier car la taille du gâteau publicitaire étant limité, si ces médias doivent s’orienter vers le gratuit, leur modèle même est menacé car ils ne sauront pas produire leurs supports sans la vente au numéro. C’est vrai pour les journaux mais surtout pour les magazines et seuls les plus forts survivront. Je ne vois donc pas matière ici à dire que les nouvelles technologies sont une chance pour les éditeurs de presse.
Mon analyse sur la télévision.
Je rejoins tout à fait Arnaud Frérault sur l’importance et la force des marques. C’est certainement l’élément le plus important pour les médias traditionnels. Je le rejoins également sur la baisse d’audience des chaînes actuelle par l’émiettement entre les différents médias (chaînes TNT et sites Internet de contenus). Je suis moins d’accord avec lui lorsqu’il indique que malgré cette baisse les grandes chaînes conserveront leurs revenus publicitaires. Ceci pour plusieurs raisons. Premièrement la part dédiée à Internet est en progression à deux chiffres depuis 5 ans. Si cette progression est importante, en valeur absolue les chiffres sont encore faibles et donc peu impactant aujourd’hui sur les réseaux de télé. Cette situation va changer car déjà aux Etats-Unis les couts publicitaires sur Internet sont en augmentation. Comme les budgets ne sont pas extensibles à l’infini, il y aura des arbitrages. Le problème pour les chaîne va être de savoir conserver des contenus de qualité, donc souvent chers à produire, pour garder de l’audience avec des revenus en baisse. Les médias actuels sont parfaitement structurés pour répondre à la demande d’aujourd’hui. Lorsqu’il va falloir se restructurer pour s’adapter ce sera peut être plus difficile.
Autre point les événements sportifs. Le direct est évidemment un élément clé de la survie des grandes chaînes et elles sont mieux placées pour « adresser » une large audience en rapport avec les coûts de retransmissions demandés par les acteurs du monde du sport. Si actuellement les audiences Internet sont largement insuffisantes pour concurrencer celle de la télévision, il faut se projeter dans 5 ou 10 ans pour essayer de comprendre comment nous consommerons et quelle seront les possibilités offertes par les ayants droits du sport. A titre d’exemple j’ai modélisé ce que pourrait être la retransmission de la Formule 1 à travers une plateforme multi supports directement via Internet et tous les terminaux mobile. Un accord pourrait être trouvé directement avec la SLEC et des acteurs de diffusion sur Internet (Vpod.tv, Orb etc..). Il n’est pas sûr qu’à l’avenir ce ne soit pas plus intéressant pour les détenteurs de droits sportifs de prendre en charge directement la diffusion de leurs contenus sans passer par des chaînes « broadcast ». Ces chaînes ne sont pas n’on plus sans ressources vis-à-vis de ce type d’approche, mais il faut qu’elles modifient leur position dans la chaîne de valeur ajoutée. Devenir un prestataire de services pour les ayants droits en mettant en œuvre une intégration fine des technologies afin d’éviter que ces ayants droits aient envie de le faire eux même.
Donc en conclusion tout n’est pas rose, surtout pour la presse papier, mais il y a de l’espoir pur les entreprises qui sauront évoluer dans cette nouvelle chaîne de valeur.
Articles en relation :
Les revenus des journaux américains ont décru au troisième trimestre
News Corp se désengage de Direct TV pour se concentrer sur Internet.
CBS et Fox lancent de nouveaux sites de contenus et de services.
Les entreprises de medias engagent la bataille sur Internet
La guerre des géants du logiciel, de l’Internet et des médias est déclarée