Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

stratégie médias internet telecom

La presse peut-elle survivre à la crise financière et à l’évolution de ses modèles économiques ? Je pense que non.

Newspaper par victorgil84

C’est une question que je me pose de plus en plus à la lecture et l’analyse de sources d’information sur l’avenir de la presse à la suite des Etats Généraux de la Presse.

Les Etats Généraux commandités par Nicolas Sarkozy ne résoudront pas, au niveau français, la grave crise que traverse la presse depuis plusieurs années. A moins qu’après l’exception culturelle, nous ayons l’exception de la presse et que notre président nous « nationalise » des pans de cette industrie (pardonnez mon gros mot), la presse n’est pas vraiment une industrie. (Etat Généraux de la Presse : le Président Sarkozy veut-il nationaliser les journaux ? Décryptage et analyse)

C’est vrai que je n’arrête pas d’entendre que la presse est le dernier rempart de la démocratie et qu’à force, cela fini par m’agacer sérieusement lorsque je compare cette belle déclaration sibylline avec les platitudes de la plupart des médias qui se contentent de rapporter, sans analyse, les sujets du moment.

Si la problématique de la survie de la presse, est largement analysée et partagée, ce sont les solutions qui ne sont pas évidentes et peut être, tout simplement parce qu’il n’y en a pas…

La presse comme les autres médias, dit « traditionnels » vit un changement de cycle majeur. Depuis la création des médias, ceux-ci ont été dans une situation de limitation de la concurrence par différents processus. Pour la presse papier, les coûts et les processus de fabrication ont limité la concurrence (voir la PQR), pour les TV et radios, l’encadrement des fréquences a fait de même.

Newspaper par just.Luc

L’arrivée d’Internet a tout modifié : la diffusion simultanée de texte, d’image, de sons et de vidéo sans limitation du nombre d’acteurs à un coût dérisoire. Ce qui se passe donc pour tous les médias est, à plus grande échelle à comparer à l’arrivée de la TNT pour les chaînes historiques. Une atomisation de l’audience par l’explosion des canaux de distribution de l’information.

Mais ce n’est pas le seul point. Nous vivons un moment particulier car cette tendance de fond c’est réalisée au moment de la globalisation des marchés et rien n’est plus « exportable » que de l’information dématérialisée. Les médias doivent donc affronter simultanément l’explosion de la concurrence potentielle avec la mondialisation du marché de la publicité donc des revenus associés à l’évolution des pratiques de consommation des contenus. On voit donc se constituer des acteurs puissants, dont Google est le leader, au détriment de la puissance des médias qui deviennent de « simples » canaux de distribution publicitaires.

nemesis par t4dragon

Le troisième point est passé un peu à coté des dernières discussions parce que déjà « ancien ». Il s’agit des annonces classées. Si aujourd’hui la messe est dite et qu’Internet attire largement ce secteur, il faut se rappeler que pour les journaux quotidiens, les PA représentaient parfois 20% de leur marge nette opérationnelle et que pour certains magazines c’était une source très importante de revenu et … d’intérêt de lecture.

La perte simultanée de ces sources de revenu est, pour moi, le signe sans appel de la disparition du modèle économique de la presse d’aujourd’hui.

Je ne condamne donc pas inévitablement ce secteur à la disparition mais si le constat est simple, les solutions sont plus complexes et je ne vois pas encore comment une industrie pourrait survivre à cette mutation qui voit ses revenus divisés par 10 ou 20, à audience comparable, avec l’internet plus la concurrence de blogs et autres sites participatifs qui drainent de l’audience à leur détriment.

Mais après tout d’autres industries ont connu une décroissance voire une disparition dans leur chaîne de valeur respective. Plus proche de la presse il y a deux décennies, le secteur du prépresse, photocomposition et photogravure, à vu ses acteurs disparaître dans une absorbation de leurs compétence par une technologie qui a simplifié la chaine de fabrication.

Aujourd’hui c’est la chaine de diffusion de l’information qui est simplifiée et la capacité à chacun de transmettre à tous de l’information. Nous en sommes au début et si la qualité de l’UGC (User Generated Content) est loin de remplacer les médias traditionnels ceux-ci sont menacés de disparition par la remise en cause de leur modèle économique.

Je pense que quoique l’on fasse la grande majorité des médias papier est condamnée à disparaitre par absence de modèle de revenus stable et que, seuls les gros acteurs multi supports pourront survivre. Une concentration à l’échelle internationale est déjà en marche et laissera moribond la plupart des acteurs locaux ou trop segmentés.

Je ne crois plus à la capacité de cette industrie à se réformer tant les blocages structurels sont importants. Il ne s’agit pas seulement d’une adaptation à la diffusion sur internet mais à la fin du monopole tacite de l’information au profit d’une explosion des canaux de distribution associé à une remise en cause de modes de travail, qui entrainent des modifications des acquis sociaux, impensable dans notre société.

Comment adapter un média existant avec ses coûts de structure, les avantages acquis de personnels vivants souvent en autarcie de leur profession à la concurrence « sauvage » du journalisme citoyen, des blogueurs et des consommateurs « zappeurs » qui critiquent de plus en plus le conservatisme des supports traditionnels ?

Naturellement on va opposer la « qualité » et la déontologie des professionnels de l’information face aux « amateurs » du dimanche. On va recherche une classification, le statut d’éditeur en ligne par exemple, pour essayer de se différentier des consommateurs et tenter de conserver son image élitiste. Mais quoique fasse cette industrie et ses acteurs, ils seront confrontés à la réalité de l’équation économique. La multiplication des canaux de distribution réduit mathématiquement la part de chacun et Internet concentre la valeur chez les intermédiaires.

Je vois donc pas comment la presse pourrait survivre à cela à périmètre économique constant. Hors j’entends peu de patron de médias déclarer que ce qui les importe c’est la marge et pas le chiffre d’affaires. C’est vrai que ce n’est pas vendeur de dire qu’aujourd’hui on réalise 100 millions d’euros avec une marge négative et que l’objectif à 5 ou 10 ans c’est de faire 10 M€ avec 1M€ de marge mais dix fois moins de salariés.

Le signaux qui nous viennent d’outre Atlantique ne sont pas rassurant car les journaux américains ont tentés depuis plusieurs années de s’adapter à ces mutation en restructurant massivement leurs titres. Des milliers de suppressions d’emplois plus tard, ils sont toujours en difficulté et des titres historique comme le LA Times ou le Chicago Tribune sont menacés de faillite. Que ce soit à cause d’opérations de LBO ou de situation purement industrielle comme le New York Post, les journaux sont menacés de disparition aux USA. Seuls les grands groupes diversifiés comme News Corp peuvent s’en sortir en amortissant la création de contenus sur plusieurs titres et sites internet. Qu’en sera-t-il des journaux français peu diversifiés…

N’hésitez pas à commenter largement en nous donnant votre avis.

Articles en relation :

Dossier presse : Le groupe américain Tribune en faillite, et en France nos journaux sont-ils menacés ?

Presse quotidienne américaine : 1770 emplois supprimés, les détails

Les revenus en ligne des journaux US ont chuté de 3% au 3ème trimestre, ambiance

Les Etats Généraux de la presse fermés à la … presse

Les grands groupes de médias américains plombés par les dettes cherchent des liquidités. Quels sont les risques ?

Publicité internet : premier déclin séquentiel en 3 ans. Récession ?

Presse US, les revenus papier déclinent mais certains trouvent de nouveaux revenus

Les magazines américains sommés de garantir leurs audiences !

Rapport Tessier : la presse face au numérique

Les revenus du web stagnent dans les journaux américains

La crise accélère la chute des journaux américains

Etat Généraux de la Presse : le Président Sarkozy veut-il nationaliser les journaux ? Décryptage et analyse

Alain Weill, Nextradio, croit fermement à l’avenir de la presse et au modèle low cost

Journaux américains et publicité : en récession !

Rupert Murdoch prédit la fin des journaux imprimés

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article